Une méthode sûre pour atteindre les tractions

Comme déjà abordé dans cet article sur les maux de dos et d’épaules, travailler vers les tractions est un outil de santé inestimable. D’autre part, je trouve symboliquement important d’être capable de soulever son propre poids. Cependant, cet exercice peut paraître intimidant, voire inaccessible. Voici donc un programme d’entraînement pour y arriver.

Ce programme provient de mon expérience personnelle, de mes connaissances en anatomie, physiologie et bio-mécanique issues de mes études de massage. Il est aussi fortement inspiré par le travail de Martina et Philip Chubb, aussi connus sous le nom de @the_mindful_mover sur Instagram. D’autre sources importantes à citer sont Erwan LeCorre, fondateur de MovNat (en l’occurrence son atelier Strong By Nature à Londres au printemps 2018) et Katy Bowman, la fondatrice de Nutritious Movement (en particulier son livre Move Your DNA et son blog).

J’ai eu l’inspiration d’écrire cet article en discutant de mes progrès avec un ami. Il a eu l’air assez impressionné par leur vitesse. Après une longue période sans beaucoup de travail physique, j’ai repris un entraînement vaguement sérieux avec cette méthode au début de l’année. En pas tout à fait deux mois, je suis passé de « je peux vaguement faire une traction » à une série de 5 tractions propres et raisonnablement confortables.

Quelques préliminaires au développement des tractions

Avant d’attaquer les exercices et la structure d’une session d’entraînement, il faut avoir quelques notions sur la façon dont on va traiter les mouvements.

Tractions négatives

Un des outils les plus importants lorsqu’on veut développer sa force et de faire des exercices que j’appelle négatifs. Ils sont des fois aussi appelés excentriques, car c’est le type de contraction musculaire qu’on utilise principalement. Le principe est essentiellement de commencer par la fin. Par exemple, pour faire une traction négative on commence en haut, et on descend, en général lentement.

tractions negatives

Ce type d’exercice développe la force le plus rapidement, et ce pour deux raisons (que je connaisse). D’une part, les contractions excentriques (le muscle produit de la force, mais s’allonge) créent beaucoup de micro-lésions dans le muscle. Le résultat est que la croissance musculaire se voit stimulée fortement. D’autre part, ces mouvements envoient un signal au système nerveux disant qu’on est pas assez fort. En effet, si on essaie de se retenir à une branche, mais qu’on manque de force, on va tout naturellement faire une traction négative. Cela va stimuler les circuits nerveux qui recrutent les muscles, ce qui est une composante très importante de la force.

D’ailleurs, au début de votre entraînement, vous allez peut-être sentir une augmentation majeure de votre force sur les quelques premières semaines. Les muscles n’auront pas du tout eu le temps de de développer, mais ils seront beaucoup plus solidement innervés, et travailleront donc plus proche de leur vraie force. Il risque d’y avoir un plateau ou un ralentissement du développement après ça. C’est normal. C’est juste que le développement nerveux est souvent très rapide, mais assez court. Une fois cette période passée, les progrès seront légèrement plus lents. Ce sera alors principalement du développement musculaire.

L’importance de la puissance et comment la développer

Il y a deux aspects au développement musculaire : la force et la puissance. La force correspond à la masse à soulever. Par exemple, pour un exercice avec des haltères, quelle masse de haltères on soulève. La puissance correspond à une combinaison masse-vitesse. Toujours avec des haltères, est-ce que vous pouvez soulever 10kg en 2 secondes, ou en 1/4 secondes. Dans ce cas, on peut tricher en utilisant son corps de diverses façons, mais pour les tractions, c’est plus clair. Pouvez-vous faire une traction en vous soulevant lentement mais sûrement vers votre but, ou pouvez-vous vous propulser vers la barre jusqu’à avoir un moment de flottement au sommet ?

Pour des raisons d’applicabilité pratique (et de qualité de l’innervation), on veut travailler en puissance autant qu’en force. L’exception pour cela est les tractions scapulaires, à cause du type de muscles sollicités. En pratique, ça veut dire que lorsqu’on fait l’exercice en positif (la partie ascendante des tractions par exemple), on va essayer de faire l’effort d’un coup, en tirant très fort. Le mot-clef ici est « essayer ». En effet, selon votre niveau de force et de puissance, cet essai va peut-être se conclure par un mouvement lent et difficile. L’intention doit rester de tirer d’un coup, très fort.

tractions ramage montee

Des pauses pour égaliser la force

Vous remarquerez sans doute qu’à certains endroits dans les mouvements, vous sentirez que vous avez plus ou moins de force. Une fois les endroits où vous avez moins de force identifiés, faites des pauses à ces endroits pour renforcer les muscles spécifiquement dans ces positions. Ces pauses seront placées durant la partie négative (ou excentrique) du mouvement.

Les exercices

Tractions scapulaires

Cet exercice vous tiendra compagnie tout au long de votre voyage autour des tractions. La raison pour ça est que c’est votre assurance forme. En effet, cet exercice stimule et renforce les muscles profonds qui vous permettent de maintenir une bonne forme lors de vos tractions. En bonus, ces muscles sont très utiles pour maintenir une bonne posture.

Voici comment se déroule l’exercice : suspendez-vous à une barre, une branche, un cadre de porte… par les mains. Laissez d’abord tout votre poids vous tirer vers le bas. Vos épaules se trouveront alors très haut par rapport au reste du corps ; probablement à la hauteur des oreilles. Si c’est trop lourd pour vos mains ou pour les tissus autour de vos épaules, poser les gros orteils au sol pour vous aider. Gardez en tête qu’un certain degré d’inconfort est à prévoir, surtout au début, autour des épaules et sur les côtés du corps. Cependant, ça ne devrait pas être douloureux.

Une fois dans cette position, tirez vos omoplates l’une vers l’autre, puis vers le bas. Cela fera monter votre corps par rapport au sol. De nouveau, si la force vous manque, aidez-vous de vos pieds. Si c’est vraiment trop difficile, commencez par des négatifs.

tractions scapulaires assistées

Ramage horizontal

Cet exercice travaille les mêmes familles de muscles de façon similaire, mais beaucoup moins intensément que les tractions. C’est donc un bon exercice préparatoire, et pour les personnes parmi vous qui ont déjà une traction qui va bien, un bon exercice à volume pour la fin de la session (voir le paragraphe sur l’anatomie d’une session d’entraînement).

Pour ramer à l’horizontale, on va encore une fois se suspendre à quelque chose, mais cette fois quelque chose de plus bas. Par exemple, il peut s’agir d’une branche basse, d’un cadre à vélos, ou d’un linge passé sur une barre. Posez vos pieds un peu à l’écart de dessous vos mains. Plus vos pieds seront loin, plus l’exercice sera difficile. Utilisez donc ce paramètre pour régler votre effort.

Tout au long de l’exercice, on aura l’intention à garder les omoplates ensemble et vers le bas. L’exercice consiste simplement à tirer l’objet auquel on est suspendu vers le bas (vers soi), puis à le laisser gentiment remonter. L’apparence du mouvement est que vous allez monter vers votre appui, puis redescendre. Par contre, pour des raisons anatomiques et de schémas de mouvement, il est important de penser à tirer le support vers le bas. Comme plus haut, si cet exercice est trop difficile quelle que soit la position de vos pieds, commencez par des négatifs.

tractions ramage descente

Tractions et tractions négatives

Le plat de résistance de ce travail. Je vais commencer par détailler les tractions négatives, car pour la plupart des gens, ce sera un élément important dans l’apprentissage, qui donnera une traction « gratuitement ». Pour la même raison, je vous recommande de travailler avec les paumes vers l’avant plutôt que vers vous (voir images). En effet, cette version recrute beaucoup moins les biceps du bras (qui sont probablement déjà raisonnablement bien développés), au profit de tous les autres muscles qui rendent ce mouvement possible. Concrètement, si vous pouvez confortablement faire une traction avec les paumes vers l’extérieur, vous pourrez tout aussi confortablement en faire avec les paumes vers l’intérieur. L’inverse par contre n’est pas vrai (j’ai essayé).

Première étape : tractions négatives assistés

Je recommande de commencer avec un support qui vous permet de garder les pieds dessus même au point le plus haut. Ce point le plus haut sera de placer la barre ou la branche ou le cadre de porte à la hauteur des épaules. Fixez vos omoplates l’une contre l’autre et vers le bas. De là, accrochez-vous avec les mains, et laissez la barre remonter lentement jusqu’à avoir les bras presque tendus. Aidez-vous de vos pieds autant que nécessaire. L’effort doit vous paraître très dur. Remontez ensuite essentiellement grâce à vos pieds. Un point important sur la forme : on commence avec les coudes proche du corps, pointés vers l’arrière. On les laisse gentiment retourner vers l’avant.

tractions négatives assistées

L’avantage de cette phase est qu’avec l’assistance des pieds, vous pouvez faire de nombreuses répétitions au même degré d’effort en vous aidant de plus en plus avec les pieds.

Une fois que ça fonctionne bien, n’hésitez pas à faire quelques essais du même exercice en tirant cette fois la barre vers le bas. Dans ce sens, on vise à tirer les coudes vers le bas et vers l’arrière. Essayez autant que possible de déjà travailler en puissance. Ce sera gratifiant d’essayer de temps en temps pour constater les progrès, mais ça n’a que peu d’intérêt en terme d’entraînement.

Deuxième étape : tractions négatives non assistées

Même travail, mais sans l’aide des pieds à la descente. Vous pouvez garder le même support pour la facilité de la remontée, ou en utiliser un plus bas, qui vous permet d’atteindre la position supérieure en sautant et avec un peu d’aide des bras. Vous devez pouvoir arriver dans cette position avec les omoplates l’une vers l’autre et vers le bas. Sinon, choisissez un support plus haut. De nouveau, commencez avec les coudes proche du corps et pointés vers l’arrière. Laissez votre barre remonter lentement, en laissant les coudes revenir vers l’avant puis vers le haut.

tractions negatives

Troisième étape : les tractions proprement dites

Une fois que les négatifs ne vous posent plus de souci, vous devriez être capable de faire quelques tractions tout à fait correctes. A ce moment, continuez de travailler sur les négatifs, mais introduisez aussi un peu de travail sur les tractions complètes. Pensez alors à la puissance : lorsque vous tirez la barre vers vous, tirez-la très fort, d’un coup (en tout cas dans l’intention). La combinaison de travail négatif et travail en puissance est un outil d’entraînement incroyable.

Par la suite, on peut commencer le travail à une main, mais je n’ai aucune expérience personnelle de ce travail, donc je préfère ne pas en parler en détail. Suivez @the_mindful_mover sur Instagram pour plus d’idées.

Anatomie d’une session d’entraînement

Maintenant qu’on sait quels exercices on va utiliser, reste à savoir dans quel ordre, à quelle fréquence, etc.

Une session d’entraînement pour développer les tractions

Une session d’entraînement sera composée des éléments suivants :

  • du travail sur la forme,
  • une « accélération »,
  • le travail principal,
  • du travail en volume,
  • la récupération.

Travail sur la forme

Le travail sur la forme sera un travail lent, très conscient, et généralement assez léger (même si au début, tout paraît très lourd). On y travaillera les tractions scapulaires, puis le ramage horizontal, puis les tractions elles-mêmes. C’est un travail où on pense beaucoup, où on est très attentif à comment on exécute les mouvements. Pour cette raison, la charge ne doit pas être trop importante.

Accélération

L’« accélération » peut être plus ou moins longue. Il s’agit de faire quelques séries courtes en augmentant la charge pour arriver au travail principal. Pour les tractions, en général à moins de travailler à une main, cette phase est en général très courte. Une série ou deux.

Travail principal

Le travail principal, c’est quelques séries assez courtes (par exemple 3 séries de 5), à l’intensité maximale à laquelle on peut garder une bonne forme. C’est là qu’on placera les négatifs bien lents, les pauses nécessaires, et les montées en puissance.

Travail en volume

Le travail en volume sert à continuer d’exercer les muscles en question, pour les alimenter fortement en sang. C’est cette arrivée de sang frais qui va amener les nutriments nécessaires à la fabrication des myofibrilles (« moteurs » musculaires) et des terminaisons et connexions nerveuses qui vont augmenter notre force. Ce sera en général une série assez longue (25 répétitions) d’un mouvement qui permet ce genre de volume. Par exemple, du ramage très incliné, pour le rendre plus facile. Au début du travail, Ca peut être un mouvement similaire penché en avant, en soulevant un poids avec le coude proche du corps, qu’on tire vers l’arrière. Si vous travaillez à une main, ça peut être des tractions à deux.

Récupération

Pour la récupération, le meilleur outil est de faire trembler le haut du corps. Pour cela, on fait comme des mini-sauts qui font trembler les bras et les muscles du torse. Si c’est fait correctement, on voit la chair se soulever et tomber. Ces tremblements seront maintenus en continu pour environ une minute. Cela diminue le tonus dans les muscles, et permet au sang de continuer de circuler librement.

Après ça, on fait un travail de respiration de 1 à 3 minutes pour calmer le corps et le système nerveux. Pour en savoir plus sur la respiration pour se calmer, lisez cet article. Notez que cette récupération est excellent après tout travail du haut du corps. Elle peut aussi arriver à la fin d’une séance d’entraînement qui combine du travail en traction avec d’autres exercices.

Un programme d’entraînement pour développer les tractions

Maintenant qu’on a une idée de la structure de chaque session, il s’agit d’agencer les sessions entre elle, et de discuter de leur nombre et leur durée. En général, je recommande deux séances par semaine, espacées de 2 ou 3 jours. Si non une séance par semaine ou une tous les 5 jours va aussi très bien, selon votre emploi du temps. Si tout va bien, le travail sur les tractions tel qu’il est présenté ici prend de l’ordre de 15 ou 20 minutes, selon le repos dont vous avez besoins entre les séries.

Première étape : mise en place des éléments de base des tractions

Pour commencer, votre travail sur la forme, l’accélération et le travail principal sera à peu près le même : des tractions scapulaires et du ramage. Je propose 3 séries de 10 tractions scapulaires et 3 séries de 10 ramages. Tant que les ramages ne sont pas bien confortables, même avec les pieds assez loin, ça devrait suffire. Comme travail en volume, une série de 25 ramages très inclinés, ou de travail avec un poids comme détaillé plus haut est très bien.

Deuxième étape : tractions assistées

Lorsque les ramages commencent à être confortables, il est temps d’approcher les tractions négatives assistées. Gardez au moins 1 série de 10 tractions scapulaires, idéalement 3. Gardez deux séries de ramages. Une pour travailler sur la forme (garder les omoplates ensembles et vers le bas, coudes proches du corps, tirer les coudes vers l’arrière et le bas). L’autre pour travailler en puissance, qui sert d’accélération. Ensuite, intégrez 3 séries de 5 tractions négatives assistées. Pour les 15, le travail doit être très dur. Concrètement, vous allez vous aider avec vos pieds, très peu au début, puis de plus en plus au fur et à mesure que la fatigue arrive. Comme travail en volume, les ramages sont très bien. Si vous avez accès à une salle de sport, une machine où on tire un poids vers le bas marche aussi très bien. Choisissez une charge qui vous permet de faire une série de 25, sans que ce soit trivial, ni insurmontable.

Troisième étape : travail sur les tractions proprement dites

Pour la suite, c’est à vous de gérer votre progression. Gardez toujours une série de 10 tractions scapulaires pour préserver votre forme pour la suite, et une accélération jusqu’à votre travail principal. Ensuite, 3 séries de 5, en commençant où c’est difficile, et sans avoir peur de régresser au cours des séries. Par exemple, vous pouvez commencer avec des tractions complètes, puis après 3, sauter pour atteindre le haut et partir en négatif, et arriver à la fin du 3ème série en utilisant une chaise pour remonter. Même travail en volume que pour l’étape précédente.

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