Cet article a été écrit dans le cadre de la formation d’Anatomie, Physiologie et Pathologie que j’ai suivie en vue d’être reconnu par les assurances maladie complémentaires.
Présentation de l’arthrose
L’arthrose est une maladie dégénérative chronique touchant les cartilages articulaires, en particulier dans les articulations qui portent du poids, comme les genoux, les hanches et les articulations intervertébrales. Les mains sont aussi souvent touchées.
Cette maladie se caractérise par des cartilages ramollis, rugueux, rongés, voire détruits. Dans des phases avancées, des excroissances osseuses se forment autour des articulations, les ostéophytes. Les personnes souffrant de cette maladie notent une raideur des articulations touchées au réveil, qui s’améliore avec le mouvement, ainsi qu’une perte d’amplitude de mouvement dans ces articulations ([1], [2]). Des bruits de crépitement se font aussi entendre dans certains cas lors de la mobilisation des articulations touchées. Ces bruits sont attribués à la présence d’irrégularités dans les surfaces articulaires ([1]), voire la présence de débris de cartilage dans l’espace articulaire ([2]).
L’arthrose
touche principalement les personnes âgées, avec une prévalence
maximale chez les personnes de la cinquantaine selon [1], et chez les
plus de 60 ans selon [2]. D’après [3], elle n’est toutefois pas due
à l’âge. Cette maladie est très ancienne : elle touchait déjà
nos plus lointains ancêtres humains ([2]), et même les dinosaures !
([3]) Selon [2] et [1], l’arthrose est rarement invalidante, alors
que selon [3] et [4], elle est une des premières causes d’invalidité
en Amérique du nord. [2] mentionne que les cas d’invalidité liés à
l’arthrose se présentent plus souvent lorsque le genou ou la hanche
sont touchés.
L’évolution de l’arthrose est lente et considérée irréversible. Dans la phase initiale de la maladie (qui peut durer des années, voire des dizaines d’années !) on estime qu’il n’y a pas d’inflammation. Dans la phase avancée, la capsule articulaire peut s’enflammer et gonfler ([4], [3]). Les ostéophyte apparaissent dans la phase avancée de la maladie.
Causes et mécanismes
Les causes exactes de l’arthrose sont inconnues. Certains facteurs peuvent toutefois favoriser ou aggraver la maladie ([3], [2], [4]) :
- des facteurs génétique,
- un alignement douteux des articulations ou une biomécanique affectée,
- l’immobilisation,
- des traumatismes,
- des pathologies comme le diabète,
- l’obésité.
Selon [2], une orientation inégale des forces dans les articulations fait que certaines zones de l’articulation sont plus touchées, et présentent des lésions plus étendues. C’est ce qui mène au fait que des articulations mal alignées ou surmenées présentent plus souvent la maladie.
D’après [4] et [3], l’âge, l’irritation, l’usure et l’abrasion de l’articulation sont les mécanismes principaux de la malade. D’après [2], un déséquilibre entre les activités anabolique et catabolique des chondrocytes serait en cause. (La présence de cette source récente dans cette introduction ruine mon scoop!)
Traitements à ce jour
On n’a pas encore vraiment trouvé de traitement efficace contre l’arthrose. Selon [3], le massage des environs des articulations touchées, ainsi que l’acupuncture ont été utilisés depuis des millénaires pour le traitement de l’arthrose. Plus récemment, la friction de la peau proche des articulations touchées avec de la capsaïcine (le principe actif du poivre et des piments) semble procurer un certain soulagement aux personnes affectées. Certains suppléments alimentaires sont appréciés des patients atteints d’arthrose, mais il ne sont pas plus efficaces qu’un placebo lors d’expériences contrôlées. La mobilisation passive de l’articulation provoque aussi une baisse des symptômes.
Parmi les traitements plus médicaux, l’injection de gel lubrifiant dans les articulation a été testée, avec des résultats mitigés. Une autre piste, celle-là plus prometteuse, est l’injection de cellules souches adipeuses dans l’articulation, qui sécréteraient des hormones de croissance et stimuleraient les chondrocytes.
Sans note spécifique, les informations présentées dans cette introduction sont présentées de façon plus ou moins homogènes dans [1], [2], [3] et [4].
Arthrose et course à pied
Vus les mécanismes contribuant à l’apparition et l’évolution de la maladie (en tout cas dans les sources modérément anciennes), on pourrait s’attendre à ce que les gens qui courent aient plus d’arthrose. Mais est-ce vraiment le cas ?
La constatation
En fait, les cas d’arthrose ne sont pas plus fréquents chez les personnes qui courent que chez les personnes qui ne courent pas. En effet, une étude menée par Kujala et al. en 1995 ([5]) sur 117 anciens sportifs de haut niveau révèle une bien moindre prévalence d’arthrose chez les coureurs que chez les joueurs de football et les haltérophiles. Le résultat le plus frappant (et le plus significatif statistiquement) est l’absence presque totale d’arthrose tibio-fémorale chez les coureurs, celle qu’on s’attendrait le plus à trouver dans une population qui soumet ses genoux à des impacts répétés. De plus, une étude prospective menée entre 1982 et 2002 par Chakravarty et al. ([6]) n’a mis en lumière aucun lien entre la pratique de la course de longue distance et la fréquence de développement d’arthrose ou sa sévérité chez les personnes testées (âgées d’entre 50 et 72 ans au début de l’étude).
Mécanismes possibles
Deux grandes familles de mécanismes entrent en jeux dans cet état de faits : d’une part, le type de charge auxquelles les genoux sont soumis lors de la course ne déclenchent pas la maladie ; d’autre part, ces charges provoqueraient des changements histologiques qui pourraient protéger le cartilage. Ces idées proviennent surtout de l’étude de Miller en 2017 ([7]).
Les charges de la course
Charge maximale et charge cumulative
On pourrait s’attendre à ce que la course provoque l’arthrose à cause des chocs répétés liés à cette activité, mais en fait, le facteur important dans le déclenchement de l’arthrose serait plutôt la charge cumulée que la charge maximale. Dans ce cadre, la course a donc peu de chance de déclencher l’arthrose. En effet, même si la charge maximale est élevée (jusqu’à 12 fois le poids du corps ([8]) contre 3 fois ([8]) ou 4 fois ([3]) en marchant), le genou n’est sous charge que pendant de très cours moments. Ce fait mène à ce que la charge cumulée par unité de distance est similaire entre la course et la marche (voir [7], p.89).
Déformation du cartilage et stress
D’autre part, les impacts de la course déforment le cartilage, ce qui mène à une répartition de la charge sur une plus grande surface, menant ainsi à un moindre stress sur les tissus affectés.
Cette répartition du stress sur les tissus expliquerait en partie l’usure moindre qu’attendue sur les genoux des personnes qui courent.
Cette idée provient de [7]
Charge dynamique et charge statique
Finalement, le fait que les charges liées à la courses sont appliquées de façon dynamique jouerait aussi un rôle. En effet, la nature du cartilage fait qu’il se rigidifie lorsqu’il est soumis à un choc ([9]). De ce fait le cartilage subit moins de dégâts lors de la course que lors d’autres activités physiquement intenses comme l’haltérophilie ou les métiers de la construction, où les charges sont appliqués de façon plus lente. Cela expliquerait les différences très nettes de prévalence de l’arthrose des genoux entre ces groupes.
Changements histologiques
Glycosaminogylcans
Les glycosaminoglycans sont une famille de molécules dont certaines jouent un rôle dans la lubrification des articulations ([10]), ainsi que dans rigidité mécanique des cartilages ([11]). Or, il se trouve que la concentration de ces molécules dans les cartilages du genou est d’autant plus importante qu’un humain cours régulièrement. Tiderius et al. ont montré en 2004 que les personnes effectuant de l’exercice de façon récréative régulièrement avaient une plus haute concentration de glycanoglycans que les personnes sédentaires, et que les coureurs d’élites avaient eux-même une meilleure concentration de glycanoglycans dans leurs genoux que les personnes qui faisaient de l’exercice à un niveau récréatif ([11]).
Protéine de matrice oligomérique du cartilage (COMP)
Cette protéine joue un rôle dans la relation entre les chondrocytes et la matrice extracellulaire du cartilage. De ce fait, elle pourrait jouer un rôle dans le déclenchement de l’arthrose ([12]). Ces COMP sont sécrétées lors de l’exercice, mais l’entraînement à la course diminue leur sécrétion sur le long terme. Ozgur Celica et al. ont démontré cela en 2013 : ils ont mesuré le taux de sécrétion de COMP après 30 minutes de marche chez deux groupes de sujets. L’un des groupes n’a rien fait de spécial, alors que l’autre a été soumis à un entraînement de 12 semaines à la course à pieds. Après ces 12 semaines, ils ont a nouveau mesuré le taux de COMP chez tous les sujets après 30 minutes de marche. Le groupe ayant suivi l’entraînement à la course a vu une baisse nette de son taux de COMP par rapport à la même mesure 12 semaines auparavant. ([13])
Mécanotransduction
La mécanotransduction est l’ensemble des mécanismes par lesquels une information mécanique influence le comportement d’une cellule; en particulier, les molécules que cette dernière produit. Dans l’arthrose, on observe un un dérèglement de l’équilibre entre les activités anabolique (qui construit) et catabolique (qui détruit) des chondrocytes, les cellules du cartilage ([2], [14]).
In vitro, on peut observer qu’une compression dynamique (similaire à celle en jeu lors de la course) des chondrocytes inhibe la production de cytokines interleukines inflammatoires (notamment IL1-β), et ainsi diminue les réponses cataboliques qui dépendent de ces cytokines ([15], interprétation dans [14]). Une autre expérience montre qu’une stimulation similaire dans des cartilages bovins inhibe les effets cataboliques d’une autre cytokine, IL-1α et prévient ainsi la dégradation des cartilages ([16], interprétation dans [14]).
In vivo, Helmark et al. on montré en 2010 qu’une séance intense d’exercices de force (extension du genou isolée, 525 séries de 10 répétitions à 60% d’effort maximal) stimule la production de l’interleukine IL-10 ([17]), qui a une action protectrice sur le cartilage ([18], interprétation dans [14]).
En conclusion
Il est clair que la pratique régulière de la course ne favorise en tout cas pas l’apparition de l’arthrose. Elle pourrait même la prévenir. Evidemment, il y a lieu de faire attention à un certain biais de sélection dans les études à long termes citées ici : lorsqu’on étudie les personnes qui courent régulièrement, il se peut qu’on exclue simplement les personnes atteintes d’arthrose, menant aux résultats présentés. Cela dit, les études des mécanismes possibles de la maladie (comme [13] et celles citées dans [14]) mène à penser que ce n’est pas le cas, et que la course a pied pourrait bien avoir un effet protecteur sur les cartilages des genoux.
Pour aller un peu plus loin, on pourrait aussi reformuler le problème ainsi : l’arthrose pourrait être, en tout cas dans certains cas, le symptôme d’un manque de certains stimuli mécaniques (des impacts importants répétés, comme dans la cours), de la même façon que le scorbut est le symptôme d’un manque de vitamine C. Cette idée me vient de la fantastique auteure Katy Bowman, par exemple dans [21].
En tout cas, moi, je vais commencer à courir !
Références et Bibliographie
[1] Marieb E.N. Biologie Humaine – Principes d’anatomie et de physiologie, 8ème édition ERPI – Le Renouveau Pédagogique Editions, 2008
[2] Marieb E.N., Hoehn K., Anatomie et physiologie humaine – Adaptation de la 9ème édition américaine Pearson ERPI, 2018
[3] Rattay F., Ludwig L., Clinical Massage Therapy – Understanding, assessing and treating over 70 conditions Talus, 2000-2005
[4] Kuntzman A.J., Tortora G.J., Anatomy and Physiology for the Matual Therapies John Wiley & Sons, 2010
[5] Kujala UM, Kettunen J, Paananen H, Aalto T, Battié MC, Impivaara O, Videman T, Sarna S. Knee osteoarthritis in former runners, soccer players, weight lifters, and shooters. Arthritis Rheum. 1995 Apr;38[4]:539-46. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/7718008)
[6] Chakravarty EF, Hubert HB, Lingala VB, Zatarain E, Fries JF. Long distance running and knee osteoarthritis. A prospective study.Am J Prev Med. 2008 Aug;35[2]:133-8. doi: 10.1016/j.amepre.2008.03.032. Epub 2008 Jun 12. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18550323)
[7] Miller RH. Joint Loading in Runners Does Not Initiate Knee Osteoarthritis. Exerc Sport Sci Rev. 2017 Apr;45[2]:87-95. doi: 10.1249/JES.0000000000000105. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28145908)
[8] https://www.menshealth.com/health/a19532915/biggest-running-myth-debunked/ 20 sept 2019
[9] Milentijevic D, Torzilli PA. Influence of stress rate on water loss, matrix deformationand chondrocyte viability in impacted articular cartilage. J. Biomech. 2005; 38[3]:493–502. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15652547 )
[10] Glycosaminoglycans https://en.wikipedia.org/wiki/Glycosaminoglycan 20 sept 2019
[11] Tiderius CJ, Svensson J, Leander P, Ola T, Dahlberg L. dGEMRIC (delayed gadolinium-enhanced MRI of cartilage) indicates adaptive capacity of human knee cartilage. Magn Reson Med. 2004 Feb;51[2]:286-90. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14755653)
[12] Cartilage oligomeric matrix protein – COMP https://www.uniprot.org/uniprot/P49747 20 sept 2019
[13] Ozgur Celika, Yasar Salcib, Emre Aka, Aydiner Kalacic, Feza Korkusuza Serum cartilage oligomeric matrix protein accumulation decreases significantly after 12 weeks of running but not swimming and cycling training – A randomised controlled trial January 2013 The Knee Journal Volume 20, Issue 1, Pages 19–25 (https://www.thekneejournal.com/article/S0968-0160(12)00115-9/abstract)
[14] Daniel J. Leong, John A. Hardin, Neil J. Cobelli, and Hui B. Sun Mechanotransduction and cartilage integrityAnn N Y Acad Sci. 2011 Dec; 1240: 32–37. doi: 10.1111/j.1749-6632.2011.06301.x (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5007871/)
[15] Chowdhury et al. Dynamic compression counteracts IL-1beta induced inducible nitric oxide synthase and cyclo-oxygenase-2 expression in chondrocyte/agarose constructs. Arthritis Res Ther. 2008;10[2]:R35. doi: 10.1186/ar2389. Epub 2008 Mar 18. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18348730)
[16] Torzilli et al. Mechanical load inhibits IL-1 induced matrix degradation in articular cartilage. Osteoarthritis Cartilage. 2010 Jan;18[1]:97-105. doi: 10.1016/j.joca.2009.07.012. Epub 2009 Sep 1. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19747586)
[17] Helmark et al. Exercise increases interleukin-10 levels both intraarticularly and peri-synovially in patients with knee osteoarthritis: a randomized controlled trial. Arthritis Res Ther. 2010;12[4]:R126. doi: 10.1186/ar3064. Epub 2010 Jul 1. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20594330)
[18] Lubberts et al. Intra-articular IL-10 gene transfer regulates the expression of collagen-induced arthritis (CIA) in the knee and ipsilateral paw. Clin Exp Immunol. 2000 May;120[2]:375-83. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10792391)
[19] Roos EM, Dahlberg L Positive effects of moderate exercise on glycosaminoglycan content in knee cartilage: a four-month, randomized, controlled trial in patients at risk of osteoarthritis. Arthritis Rheum. 2005 Nov;52(11):3507-14. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16258919)
[20] Willy RW, Paquette MR. The Physiology and Biomechanics of the Master Runner.Sports Med Arthrosc Rev. 2019 Mar;27[1]:15-21. doi: 10.1097/JSA.0000000000000212. (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30601395)
[21] Katy Bowman Move Your DNA Propriometrics Press, 2014
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